Par Julie CHANUT – Côté Sud – n°162 OCT/NOV 2016
Le voyage immobile de Dan a commencé ici, il y a douze ans. De retour dans son Sud natal après une formation à l’Institut Paul Bocuse d’Êcully et un apprentissage auprès des plus grands de la Suisse à Paris, Moscou et Stockholm – quatre années à l’Ôperakallaren qui ont marqué son sens de l’esthétisme et du goût – le chef s’enracine en 2004 dans le village de Ventabren près d’Aix. Il y ouvre sa « table », intime, terrienne, ancrée entre les pierres. Il y décroche sa première étoile et y continue son travail minutieux autour du produit qu’il ne cesse de magnifier en l’allégeant, le déclinant avec toujours plus de créativité.
Un geste d’artiste, maîtrisé et aérien qui prend aujourd’hui tout son sens dans ce nouvel espace d’expression. Un travail de réflexion autour de l’idée de restaurant, mené avec l’architecte Olivier Fremont (Studio Fremont à Aix-en-Provence). La complicité entre les deux hommes est une évidence. En témoigne l’atmosphère du lieu en accord avec le spectacle visuel et la joie gustative des propositions. Au départ du projet, le rachat du bâtiment de pierre sous la petite terrasse ouverte qui fait face à l’ancienne Table de Ventabren. Une terrasse en plein air sur-plombant la vallée, une vue magistrale. Pour la transformer en restaurant, ils imaginent un préau vitré qui s’ouvre et se referme au gré des saisons, par le biais de panneaux vitrés, hauts de plus de trois mètres, coulissants et escamotables.
La magie opère, la vue reste intacte. Cet espace épuré, tout habillé de bois, diffuse une douceur ouatée. Entre le paysage, les ouvertures donnant sur le village et la cuisine d’envoi du chef, laissée à découvert, rien ne peut échapper aux reflets du plafond en panneaux d’inox miroir. L’esprit au repos, l’œil se concentre sur la palette de couleurs qui éclate dans l’assiette. Dans des terres émaillées aux nuances changeantes se succèdent les plats, « Tomates, burst d’eau de tomates, espuma tomate, basilic, copeaux d’olives noires, huile d’olive d’Estoublon, chips de riz », « Médaillons de homard bleu au vinaigre de citron de Kalamansi, splash de betteraves au porto, betteraves marinées façon nordique, jus de betteraves mousseux, meringue de betterave, aneth, fenouil croquant » « Mousse de Guanaja glacée, gel cassis, sorbet cassis, crémeux chocolat Guanaja, grué de cacao » …
De jour, bercé par des courants d’air chaud, ou de nuit face à des ciels rougeoyants avec comme seul éclairage celui d’une petite lampe de table, l’architecte souhaitait « capter une émotion », à eux deux ils les enflamment toutes … »